vendredi 21 décembre 2007

Regard oblique de Dean Ray Koontz

1965, au cœur de l’Orégon, un jeune couple se promène en forêt. Grimpés au sommet d’une tour de surveillance des incendies, les tourtereaux admirent, émerveillés, la splendeur de cette mer de pins et d’épicéas à perte de vue. D’un coup brusque, l’homme pousse la femme qui vient s’écraser dix mètres plus bas. Poussé par une pulsion inconnue, Junior Cain vient de tuer sa jeune épouse Naomi et découvre qu’il y a pris plaisir !
Le même jour, deux bébés voient le jour. Le premier est une petite fille prénommée Ange, douée de pouvoirs hors du commun et dont la mère vient de mourir en couche. Le second, Bartholomé, est un petit garçon miraculeusement rescapé d’un accident de voiture dans lequel son père a laissé la vie. Ils ne le savent pas encore mais leur avenir est étroitement lié à celui du tueur.
Dean Ray Koontz, au cœur d’un roman haletant, nous entraîne dans une course poursuite effreinée entre le Bien et le Mal. On suit donc en parallèle les destins d’Ange et de Bartholomé qui grandissent chacun dans un environnement où le mot d’ordre est l’amour du prochain et de l’autre côté, la chasse impitoyable dans laquelle se lance Junior Cain, ce tueur cruel atteint de troubles mystérieux (après chaque meurtre, il est atteint de problèmes gastriques et cutanés aigus) et Thomas Vanadium, un détective au passé obscur. J’ai trouvé la première partie du livre formidable. L’auteur nous glisse dans la peau de Junior Cain et nous entraîne avec lui aux confins de la folie. On le découvre tour à tour froid et méthodique puis d’un seul coup, hystérique et irréfléchi. Coup de maître de Koontz, l’écriture est adaptée aux sentiments de son personnage : à de longues phrases déscriptives succèdent un style beaucoup plus haché, percutant… Dans un deuxième temps, l’histoire tend toutefois à s’éterniser et on ne sait plus sur quel pied danser ! « Est-on en train de lire un thriller ou un roman fantastique ? » Heureusement, le dernier tiers du roman regagne en vigueur et permet de finir sur une bonne impression. En sorte, un roman de bonne facture mais qui aurait gagné à être un petit peu moins long (800 pages, ce n’est pas « Les Misérables » ou « Guerre et Paix », mais quand même !). Enfin, je donne une mention spéciale à deux personnages du roman, Edom et Jacob, les oncles de Barthol, dont je laisse au futur lecteur le soin de découvrir leur étonnante particularité. Pierre LUCAS

jeudi 20 décembre 2007

Les plus qu'humains de Theodore Sturgeon

Au commencement était l’Idiot. Un homme méprisé, rejeté par les autres et errant avec l’instinct de survie comme seul acolyte. Puis vint l’émergence du désir à travers la rencontre d’une jeune recluse, enfermée par le puritanisme maladif d’un père tyrannique. Alors l’Idiot put s’ouvrir aux autres ; et quels autres ! Un vieux couple sans enfant va constituer sa première famille qu’il va quitter à l’arrivée d’un bébé miraculeux pour se réfugier dans les bois. Une enfant télékinésiste, deux fillettes jumelles adeptes de la téléportation et le bébé mongolien surdoué du vieux couple vont constituer l’embryon d’une nouvelle famille. Chacun n’est rien seul mais à eux tous ils forment un gestalt, un organisme plus qu’humain. Un organisme vivant cherche à évoluer, grandir et survivre. Comment cohabiter avec de simples humains…
C’est un roman classique de la science-fiction et Mr. Sturgeon est un auteur de la période connue comme l’âge d’or de la science-fiction au même titre que des Asimov, Heinlein, Anderson, Bloch… Pourtant pas de robot, ni d’extra-terrestres, de vaisseau spatiaux ou de voyage dans le temps ici. L’auteur ne fait qu’imaginer la naissance d’une nouvelle espèce supra humaine et ses implications morales . Publiée dans les année 50 sous forme de 3 nouvelles, cette histoire tient plus du conte philosophique que du récit et son style simple – sans être simpliste – propose au lecteur un univers poétique et un peu suranné. Néanmoins on s’attache à cette équipage étrange, un peu effrayant naviguant à bord de la métaphore de notre société : une somme d’individualités diverses et la nécessaire difficulté de vivre ensemble. Sans proposer de leçon de vie toute faite, ce livre réjouissant et facile à lire n’en reste pas moins riche d’enseignement sur notre rapport à l’Autre et à sa différence. Ce sont des thèmes que l’on retrouve dans une autre œuvre de Théodore Sturgeon, « Cristal qui songe » et qui sont toujours d’actualité. Bruno SAVATTE

mercredi 19 décembre 2007

Sans l'ombre d'un témoin d'Elisabeth George

Scotland Yard est sur les dents en ce début d’hiver. Le cadavre d’un jeune adolescent métis a été retrouvé dans un parc de Londres. Or il s’avère qu’il y a déjà eu d’autres crimes commis selon le même rituel, visant les jeunes métis en difficultés et qu’aucune enquête n’a vraiment été menée jusqu’à présent, les victimes n’ayant même pas été identifiées…Il s’agit maintenant de calmer l’opinion publique et de retrouver au plus tôt ce serial killer. Thomas Lindley et son équipe sont désignés pour cette tache qui apparaît bien difficile compte tenu de l’absence d’indices… Sans l’ombre d’un témoin fait parti des romans qu’on aimerait pouvoir lire d’une traite. Non seulement à cause de l’histoire captivante mais aussi parce que nous sommes littéralement enthousiasmés par l’écriture. Ce qui m’a surtout frappé et plu c’est le réalisme qui se dégage de l’histoire. Ici, pas de traits de génie, pas de hasards miraculeux, simplement la mise en valeur du travail de routine (contrôle d’alibis, recherche de témoins…) qui peut paraître rébarbatif mais indispensable au bon déroulement d’une enquête. Mais attention à bien faire la part des choses entre intuition, conviction et surtout de ne pas se laisser abuser par de fausses pistes nées de mauvaises interprétations ! Et puis comme on suit les personnages dans leur intimité quand ils rentrent chez eux, on les prend en affection parce qu’on se rend compte que leur vie finalement ressemble beaucoup à celle de monsieur tout le monde. L’inspecteur Thomas Lindley (qui est comte, riche, élégant, érudit) et Barbara Havers (la fille la plus mal fagotée de Londres, fumeuse invétérée et qui a son franc parler) ainsi que les autres enquêteurs sont des personnages récurrents que l’auteur fait évoluer au fil du temps et des romans. L’opposition de style plutôt amusante entre l’aristocrate et de son adjointe très « nature » est particulièrement bienvenue dans ce roman dont le sujet est très sombre. Les bas fonds de Londres, les meurtres qui visent des jeunes enfants métis issus de milieux défavorisés, le manque de moyens des institutions d’aide à la délinquance, les problèmes de pédophilie, de prostitution masculine, de gangs…tout cela n’est pas vraiment réjouissant ! En plus il se passe dans ce roman quelque chose de terrible dont je ne peux rien dire parce que cela nuirait à la lecture mais qui est vraiment admirablement traité par l’auteur, bien que ce soit un sujet très délicat… Comme on peut le constater, ce roman policier n’est pas vraiment amusant et même parfois déprimant. Cependant à la fin de la lecture, je suis restée un moment « secouée » avec la sensation d’avoir lu quelque chose de fort.
Nicole VOUGNY

lundi 17 décembre 2007

Le faiseur d’univers de Philip José Farmer

Qui n’a jamais rêvé, comme Alice, de traverser le miroir pour découvrir un autre monde ? Un univers empli d’êtres fabuleux : des sirènes, des centaures… C’est ce qui est proposé à Robert Wolff, un homme de soixante-six ans, lorsqu’il découvre une trompe enchantée. Celle-ci relie notre monde à l’Eden créé par un Seigneur mystérieux. Lorsqu’il décide de souffler dans cette trompe, il n’imagine pas les révélations personnelles qu’il va avoir tout au long de son périple dans l’Eden. Afin de libérer Chryséis, la créature dont il tombe amoureux, il va oublier sa vie dans notre monde et peut-être ne jamais revenir parmi nous. Au fil des pages, on découvre un univers à la géographie complexe : non pas rond comme notre Terre, mais en forme de cône où différentes ethnies peuplent les divers niveaux. Au sommet de ce cône se trouve le palais du Seigneur, créateur de ce monde. Malgré les différences importantes qui existent entre la Terre et l’Eden, Wolff semble particulièrement à l’aise dans cet univers, comme s’il le connaissait. De plus, à peine arrivé en Eden, son corps se transforme : il se muscle, retrouve sa jeunesse passée. Il rencontre de nombreuses espèces différentes au cours de son périples, mais se fait accepter par elles sans difficulté, comme si sa présence était une évidence.
Ce voyage initiatique est écrit à la manière d’un Space Opéra, comme en écrira plus tard Jack Vance (« la planète Géante ») : on est littéralement transporté dans cet Eden, comme Wolff, on sent, par exemple, les parfums de la forêt après la pluie et on imagine parfaitement la géographie de l’Eden. Certes, les descriptions sont courtes, les événements s’enchaînent à vive allure (peut-être trop vite parfois), mais Philip José Farmer parvient à nous transporter dans ce monde si étrange et, au final, les situations tellement décalées de notre quotidien, nous semblent presque évidentes et naturelles. L’aventure de Wolff lui permet de découvrir l’amour auprès de Chryséis, l’amitié presque fraternelle avec Kickaha, ainsi que la droiture et l’abnégation avec Laksfalk. Toutes ces belles rencontres seront contrebalancées par ses déboires avec Podarge, la harpie et, bien sûr, avec le Seigneur. Tous les sentiments humains sont donc justement décrits et mêlés, jusqu’à la scène finale où la rage de vaincre à tout prix cédera la place au désenchantement, à la désillusion, à la culpabilité mais aussi et surtout au désir de changer les choses pour faire un monde meilleur. Cette fin est déroutante et imprévisible ; et pourtant, en y réfléchissant, cela paraissait si évident… Si vous souhaitez partir en voyage dans un monde étrange et fabuleux, et suivre le parcours semé d’embûches de Robert Wolff, laissez-vous embarquer dans ce livre et de traverser le miroir. Florent OLLIVIER

jeudi 13 décembre 2007

En avoir ou pas d'Ernest Hemingway

A la Havane Harry Morgan vit de la pêche sportive en louant son bateau et le matériel. Mais voilà qu’un beau jour Mr Johnson s’en va sans régler les 530 $ de location du bateau et les 350 $ du matériel qui est passé par-dessus bord. Harry qui vient de tout perdre se voit dans l’obligation pour se renflouer de « passer » des hommes en les arnaquant. Ensuite nous retrouvons Harry, au sud de la Floride à Key West face à Cuba, avec sa femme Marie et ses trois filles. Pour les faire vivre il va continuer à commettre des larcins jusqu’au jour où ce n’est plus de la contrebande mais un hold-up. Harry et sa famille s’en sortiront-ils indemnes ?
Ce roman d’Hemingway reflète de manière authentique le milieu de la mer. Il y a ceux qui en vivent tel Harry via le tourisme, d’autres via la pêche, que nous croisons au gré des entrées et sorties du port d’Harry, et il y a les autres ceux qui vivent sur la mer dans des yachts de luxe sans même se rendre compte que la misère rôde. Le contraste, entre couches sociales pauvres et riches, qui se croisent dans les bars de La Havane mais aussi de Key West est frappant et au milieu de tout ça, de cette faune hétéroclite, Hemingway nous fait vivre d’une manière très réaliste la descente aux enfers d’Harry. Ce livre que j’ai trouvé très intéressant, par son scénario, par ses descriptions sur la pêche sportive, par ses personnages qui ne font que passer mais qui sont si importants dans la vie d’un port, se déroule sur une année ce qui nous donne un effet de rapidité mais nous montre surtout que l’on peut passer d’une vie de famille sereine à une vie faite de brigandage. Mais aussi de l’état d’être humain à celui de cadavre en un rien de temps !!! Demandez donc à Messieurs Sing, Albert et Simmons. L’action y est permanente : rafales de mitraillette à la banque, à bord d’un bateau, bagarres dans les bars, histoires d’amours à l’eau de rose, cadavres jetés à la mer, souffrances agonisantes. Non vraiment voici un roman où l’on n’a pas le temps de s’ennuyer et pour finir, l’auteur nous montre des cubains qui veulent changer le sens de l’histoire de leur nation… Edouard RODRIGUEZ

mardi 11 décembre 2007

Le crime de Dédale de Paul Halter

Crète 1937, un jeune berger affirme avoir trouvé une jarre d’argile qui ressemble à celles sorties de terre par les archéologues, ce qui titille la curiosité des professeurs qui se trouvent là à l’occasion d’une expédition. Dès leur arrivée, les accidents et les meurtres se multiplient ce qui nous fait fortement penser à la découverte de la tombe de Toutankhamon et à la malédiction des pharaons.
Le roman est divisé en deux parties, une première située à Londres, où la grande majorité des archéologues qui étaient présents sur le site sont sauvagement tués et une deuxième qui se déroule en Crète, sur les lieux présumés du labyrinthe du Minotaure. Nous retrouvons le personnage principal dans la première partie, Kate, jeune fille intrépide et aventurière qui souhaite solutionner ces mystérieux crimes avec l’aide de Sir Basil, archéologue à la retraite et amateur d’enquêtes policières, et de Milton Ross. Avec son enthousiasme, Kate réussit à faire voyager ses deux amis en Crète afin de voir de près l’endroit qui a provoqué tant de malheurs. Mais dès la première nuit la malédiction qui pèse sur les environs se fait sentir avec l’assassinat d’un professeur qui se trouvait en vacances dans un village voisin. Je pense que la légende du roi Minos et du Minotaure est très bien expliquée par les écrits trouvés dans la jarre même si Paul Halter essaie de donner une explication rationnelle à ce mythe afin de pouvoir l’adapter aux besoins de son récit. Mais étant une férue lectrice de romans policiers à thème archéologique ou historique, j’ai été un peu déçue, car ce livre présente, certes, de nombreux atouts, comme la connaissance du mythe lui-même, mais je pense, néanmoins, que l’intrigue est un peu insipide et les personnages manquent terriblement de profondeur. Même si le style de l’auteur est simple et l’ouvrage est facile à lire, j’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans l’histoire. Sûrement que j’attendais beaucoup trop d’un thriller sous fond de mythologie et je me suis retrouvée face à un roman policier assez médiocre. Marie LEVEZIEL

lundi 10 décembre 2007

Camilo de Régine Deforges

Camilo Cienfuegos est considéré comme la troisième figure marquante de la révolution cubaine, avec Che Guevara et Fidel Castro. Né en 1932 dans une famille pauvre de la Havane, Camilo émigre jeune aux Etats-Unis où, travailleur clandestin, il enchaîne les petits boulots. Opposant au dictateur Batista, il rejoint Castro au Mexique et fait partie des guérilléros débarqués à Cuba en 1956. Commandant de la deuxième colonne de l'armée révolutionnaire, c'est un combattant intrépide, enjoué et chaleureux, adoré par ses hommes et la population. Au terme de mois de lutte acharnée, il fait partie des hommes entrant victorieux à La Havane, et promu chef d'Etat Major, il continue de servir la Révolution jusqu'à sa disparition en 1959, lors d'un trajet en avion. Accident ? Complot de la CIA ? Assassinat commandité par Fidel, jaloux de sa popularité grandissante ? Le mystère restera toujours entier.
Si ce livre retrace la vie de Camilo Cienfuegos, ce n'est pas uniquement une biographie car il mêle lettres, témoignages et anecdotes sur le guérilléro à des digressions de l'auteur sur la rédaction de son livre et sur sa fascination pour son personnage. Cette relation, virtuelle et fantasmée entre l'auteur et Camilo donne un ton particulier et intimiste. Séduite par ce bel homme drôle, désinvolte et pourtant passionné et idéaliste, Régine Déforge raconte pourquoi elle a écrit ce texte, ses doutes sur sa capacité et sur sa légitimité à mener à bien ce projet. C'est un aspect déconcertant : on peut être rebuté, ou au contraire séduit par la démarche. Je me suis toujours intéressée à la Révolution cubaine, et j'ai été attirée par ce livre qui met en lumière une figure peu connue du grand public, mais chère au peuple cubain. La partie biographique est riche, mais j'ai parfois été un peu frustrée : ainsi, sur la disparition de Camilo, l'auteur lance quelques pistes intéressantes, mais n'en exploite aucune... Certains aspects auraient donc pu être étoffés. Néanmoins, j'ai été enchantée par la touche "personnelle" du livre. Ce lien, cette relation qui existe entre elle et le "fantôme" de Camilo m'a profondément émue, et elle parvient magnifiquement à faire partager sa fascination pour le guérilléro. Il y a des pages superbes, qui m'ont serré le coeur. C'est, plus qu'un hommage, une déclaration d'amour parfois adressée directement à cet homme qu'elle n'a pas connu, mais qui la touche pour des raisons qui la dépassent. Et cet aspect du livre, qui le rend si spécial, lui donne une dimension unique aux yeux de l'amoureuse de Cuba que je suis.
Fanny LOMBARD

vendredi 7 décembre 2007

Le bonheur de faire l’amour dans sa cuisine et vice-versa d'Irène Frain

Au fil de 150 pages de pur délice, Irène Frain évoque les relations vivantes mais aussi grammaticales entre l’amour et la cuisine. Le point de départ : pour cause de travaux la cuisine-matrice de son home sweet-home lui apparaît, par l’incapacité de s’y rendre, dès lors plus vitale et source d’équilibre. Où trouver l’eau et le feu, les éléments qui sont apprivoisés seulement dans cette pièce, centre de vie du foyer car manger est indispensable à notre survie? Celui qui permet à la femme trompée de garder son mari par le ventre, ou bien encore de partager des potins entre femmes. Quant à l’homme il utilise parfois l’art culinaire comme outil de drague et pour lui cuisiner c’est encore un art guerrier où il lui faut dompter les éléments.
Irène Frain, d’anecdotes en vérités simples, nous entraîne sur les pas des plaisirs culinaires de tous temps, de Cléopâtre, ou encore de l’empoisonneuse Marie Besnard et des filtres d’amour à la Peau d’âne. Ce qui retient l’attention ce sont les corrélations entre le sexe et la cuisine où les discussions sont plus libres entre les amants, et où la « nourriture fait lien », liant deux personnes qui souvent partagent un bon repas en prélude à l’amour : les sens et papilles sont mis en émoi avant de retrouver le chemin de la chambre, autre espace intime du couple. Même si le titre évoque l’art de faire l’amour dans sa cuisine, le sujet du livre est tout autre. C’est plutôt la relation entre la sensualité des aliments, de leur préparation et de leur absorption et celle des corps qui se mélangent depuis le début de l’humanité. J’ai très vite adhéré à ce petit pamphlet contre la malbouffe et pour le vrai partage en couple et en cuisine. La déclinaison amours-rapides et fast-food de notre société actuelle, les mots d’aujourd’hui qui pour parler d’amour parle de « relations », d’ « engagement » d’ « investissement » plutôt que de cette simple mais « grande histoire d’amour » qu’il est donné à chacun de vivre avec ses hauts et bas mais en sincérité et confiance, pas en conformisme. Une bonne recette : se poser à la table de sa cuisine, et malaxer de bons aliments en parlant de la vie comme sur l’oreiller. L’auteure sait utiliser avec panache beaucoup de vocabulaire, et ses idées exprimées dans ce petit livre très agréable sont très féminines certes mais universelles. Des vagues de plaisir nous donne l’eau à la bouche et l’envie de faire la cuisine avec et pour sa moitié. A vos fourneaux ladies and gentlemen !! Fanny JOLIVET

jeudi 6 décembre 2007

La lionne du boulevard d' Alexandra Lapierre

Un beau matin de mars 1842, la jeune Céleste Vainart se fait renvoyer de son emploi de couturière. Elle se met alors en tête de sortir de la vie de misère qui lui est promise. Aussi lorsque deux ans plus tard, elle se fait une renommée comme danseuse de polka et devient la fameuse « Céleste mandragore », elle croit avoir atteint son but. Seulement dans ce milieu, les choses peuvent être très éphémères et la chute ne s’en trouver que plus dure…
« La lionne du boulevard » nous raconte l’histoire d’une petite grisette de Paris qui cherche à s’élever au dessus de sa condition dans le milieu du XIXe siècle. A travers sa vie, c’est toute une époque que l’on découvre : une époque agitée politiquement (révolution de 1848, puis le deuxième empire, puis la guerre de 1870 contre les prussiens…), une époque riche pour les arts (sculpture, peinture, littérature…), une époque impitoyable pour ceux qui sont dans la misère et où les mœurs sont quelques peu dissolus, les grandes courtisanes faisant la pluie et le beau temps. Dans un style limpide et simple, l’auteur nous fait partager la solitude, les doutes, les craintes, les souffrances, les maladresses ainsi que la stratégie du personnage principal dont les sentiments sont parfaitement analysés. On se surprend même parfois à lui donner des conseils de prudence devant son courage excessif ou son orgueil mal placé…Ce que j’ai trouvé de particulièrement réussi, c’est de raconter cette vie sans prendre parti , sans excuser les côtés dérangeants utilisés pour arriver au but recherché… « Jamais plus, je ne serais celle que le monde rejette… ». Cette phrase, la jeune Céleste en fait sa devise et grâce à une volonté implacable arrive à se sortir d’une situation bien compromise. Mais à quel prix ? N’a-t-elle pas perdue de son humanité ? On ne peut s’empêcher de se poser la question à la fin de la lecture...N’est elle pas allée trop loin ? Le jeu en valait il vraiment la chandelle ? Il n’empêche que j’ai beaucoup aimé ce roman, parce que je l’ai trouvé dépaysant, enrichissant, remarquablement documenté et très bien écrit : on a envie de rire dans les moments gais et de pleurer dans les moments tristes… De plus, notre héroïne côtoie des personnages hauts en couleurs tels Théophile Gautier, Alexandre Dumas, Charles Baudelaire…en nous faisant connaître d’eux des aspects plutôt sympathiques, amusants, voire surprenants… Mené tambour battant, ce roman est vraiment une réussite dans le genre, même si on ressent un sentiment de tristesse à la fin… Nicole VOUGNY

mardi 4 décembre 2007

Courir avec des ciseaux d'Augusten Burroughs

Augusten a 12 ans lorsque ses parents divorcent. Son père est prof de maths et alcoolique, sa mère qui écrit des poèmes est psychologiquement fragile. D’ailleurs après avoir enchaîné plusieurs crises psychotiques, celle-ci est contrainte de confier son fils au docteur Finch, son psy. Mais au lieu de se retrouver dans un foyer parfaitement sain et équilibré, Augusten va être plongé au milieu de personnages pour le moins très pittoresques pour ne pas dire étranges. Tout d’abord, le docteur lui-même. Il a – il faut l’avouer - une conception de la médecine très particulière et plutôt contraire à l’éthique et la déontologie. Quant au reste de la famille... Jugez vous-même ! Agnès, son épouse, mange des croquettes pour animaux. Hope une des filles aînées, qui travaille avec lui au cabinet médical, détermine ce que sera l’avenir juste en ouvrant au hasard une page de la Bible tandis qu’il fait la même chose avec ses excréments. Nathalie, avec qui Augusten va tout de suite se lier d’amitié, n’a que 13 ans et a déjà vécu une expérience conjugale avec un de ses patients. Et Neil Bookman, ancien malade qu’il a adopté, va entretenir avec Augusten une liaison plutôt tumultueuse. Enfin je ne vous parle pas du taudis dans lequel tout ce beau monde vit. La poussière s’entasse sur les meubles comme le linge sur le sol ou la vaisselle dans l’évier.
Augusten Burroughs affirme s’être largement inspiré de sa propre enfance pour écrire ce livre. Je consens que cela a été d’abord assez difficile pour moi de croire que tout ce qui y était raconté lui était vraiment arrivé tellement la vie de cet auteur semble riche en péripéties. Qui pourrait bien avoir en effet vécu autant de choses à un si jeune âge, en si peu de temps et surtout des scènes aussi invraisemblablement surréalistes ou désespérément tragiques ? Ainsi le passage où le docteur Finch lit l’avenir dans ses propres déjections fécales est sans conteste d’une jubilatoire hilarité. En revanche, lorsque Augusten évoque sans tabou sa relation intime avec Neil, un adulte, le lecteur peut être choqué voire écoeuré tellement l’écriture est brute, les mots sont crus. Bien entendu ce serait dommage que de réduire le livre à ces quelques pages dérangeantes. Moi-même, j’admets m’être sentie un peu mal à l’aise en les parcourant mais en même temps le reste de l’ouvrage m’a beaucoup fait rire.
Marlène EVEN

lundi 3 décembre 2007

Bonheurs d'enfance de Christian Signol

Nous avons tous des souvenirs d’enfance : des bonheurs et des malheurs. Dans « Bonheurs d’enfance », Christian SIGNOL nous raconte toutes les merveilleux moments qu’il a vécus dans son village natal du Quercy, à Beyssac. Ce n’est pas uniquement l’odeur des arbres, des herbes et des champs. Mais c’est aussi et surtout les sentiments qu’éprouvaient alors l’auteur : son objectif raconte-t-il a toujours était de « retenir le fil fragile des émotions que le temps efface ». Il raconte alors la vie de son pays d’enfance en parlant avec son cœur. Défilent alors les images en noir et blanc de ce gosse qui veut profiter au maximum de son petit monde rural : les vendanges, sa petite école, etc. Son malheur est d’avoir dû quitter en 1958 (à l’âge de 11 ans) son environnement quotidien et calme pour devenir pensionnaire dans une ville. Il a ensuite besoin de s’évader de cette ville « Il y allait de mon avenir », pour rejoindre « l’île préservée du mal » à 20 kilomètres de là. Heureusement, aucune amertume n’apparaît au fil des pages, si ce n’est à l’introduction. Tout au long de ce roman, Christian SIGNOL nous raconte sa vie à Beyssac avec ses yeux d’enfant émerveillé par le respect des traditions et des relations humaines : le petit boulanger, les fêtes locales, les machines agricoles, etc. C’est un style clair et facile à lire, avec des mots simples. Nul besoin d’être un nostalgique pour lire « Bonheurs d’enfance »…juste un besoin de se reposer de notre monde infernal où règne la modernité. Mettez-vous sous la couverture et savourez le plaisir des mots délicats. Vous fermerez ce livre en ayant l’impression d’avoir vous aussi vécu cette enfance là !
Christine BELLOT

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