mardi 30 septembre 2008

Paperboy de Pete Dexter

L'histoire se passe au milieu des années 60. Quatre ans après le meurtre du shérif violent et raciste d'un trou perdu de Floride, son assassin, Hillary Van Wetter, attend son exécution dans le couloir de la mort. Mais Charlotte, jolie quadragénaire bizarrement attirée par les assassins, est persuadée de son innocence depuis qu'elle a vu sa photo dans le journal. Autant déterminée à l'épouser qu'à l'innocenter, elle contacte le Miami Times, qui dépêche sur place deux journalistes dont Ward, frère du narrateur. D'emblée, il s'avère que le procès a été baclé, des preuves égarées, des pistes non exploitées. Mais entre un condamné franchement antipathique, sa groupie, un journaliste déterminé dont l'intégrité frise la psychorigidité et un autre dévoré d'ambition, une police et une justice peu enclines à rouvrir le dossier et une opinion publique accrochée à ses certitudes, l'affaire s'annonce complexe... On est dans un roman noir, dans tous les sens du terme. L'écriture sèche et sans complaisance montre tout, sans rien édulcorer, ni la violence physique, ni la misère sociale, et encore moins la cruauté psychologique et la violence morale d'une société dont tous les protagonistes sont implacablement condamnés par l'auteur. On suit l'investigation des reporters à travers le récit du jeune frère de l'un d'eux, et petit à petit, ce sont les vraies motivations de chacun qui se révèlent : chacun cherche son intéret au mépris de la vérité, de la justice, ou de l'intégrité de ses proches ou de lui-même, et personne n'en sortira indemne. L'auteur promène son lecteur du début à la fin, dans un jeu de faux-semblants et de manipulations à tout-va dont, comme les personnages du roman, on ne s'aperçoit que trop tard. J'avais eu de nombreux échos positifs de ce roman, et je ne peux que m'y associer. Critique subtile mais néanmoins virulente du journalisme et, au-delà, de l'ensemble de la société elle-même où, pour citer l'auteur, "aucun homme n'est intact", ce roman noir est littéralement époustouflant. Si j'ai pressenti, à chaque fois, les rebondissements quelques pages avant qu'ils n'interviennent, je les ai pris comme autant de coups de poing, et le piège a parfaitement fonctionné ! En plus d'une histoire très forte, les personnages ne tombent pas dans la caricature tout en étant formidablement bien campés, tout comme le décor - routes poussiéreuses, villes moites et marais profonds du coeur de la Floride. Un roman sombre d'une puissance rare, qu'il m'a été impossible de lâcher, et qui vous hantera longtemps après l'avoir refermé.
Fanny LOMBARD

vendredi 26 septembre 2008

Un risque calculé de Katherine Neville

Verity Banks est vice-présidente de la Banque Mondiale à San Francisco et chef du service des transferts électroniques de fonds. Parce que son supérieur ne prend pas au sérieux son projet d’amélioration de la sécurité, elle décide de prouver la vulnérabilité du système en place. Or, c’est justement le moment que choisit son mentor dans la profession, le séduisant docteur Zoltan Tor, pour reprendre contact avec elle et lui proposer un pari audacieux : détourner un milliard de dollars, le faire fructifier pendant trois mois et le restituer sans que personne ne s’en aperçoive. En acceptant, elle se doute que sa vie va quelque peu être perturbée mais non complètement bouleversée… Dans ce roman Katherine Neville essaye de nous faire comprendre et partager ses connaissances du monde bancaire et informatique. C’était sans doute une bonne intention de vouloir initier les néophytes en la matière mais je n’ai malheureusement pas du tout accroché à l’histoire…Le fait de ne pas tout comprendre les enjeux et les risques encourus par les protagonistes a certainement contribué à cela, mais ce n’est pas la seule raison. Entre autres, je n’ai absolument pas trouvé le pari crédible. Il semble en effet difficilement concevable que l’on puisse accepter les conséquences judiciaires qui en découlent, juste pour prouver que l’on a raison et notamment quand on occupe un poste de cadre bancaire à haute responsabilité comme celui de l’héroïne. D’autre part je ne sais pas du point de vue technique si ce que l’auteur a écrit est possible mais certains points du récit m’ont paru trop « énormes » pour être vrai alors que d’autres semblaient trop faciles pour être réalistes... S’il est effectivement exact que l’on peut faire ce que l’on veut de notre argent sans que personne ne le sache, ce n’est pas vraiment rassurant ! Quant à l’histoire d’amour qui « pimente » le roman, elle est cousue de fil blanc et l’issue en est prévisible dés le début. L’ensemble manque donc de rythme, de cohérence, de séduction, de surprise…Même les personnages sonnent faux, frôlant parfois la caricature. Et que dire de la fin dont on a vraiment l’impression qu’elle est bâclée en plus d’être peu vraisemblable… Pour nous dérouter un peu plus, quelques chapitres consacrés à l’histoire de Nathan Rothschild qui révolutionna les fondements de la banque moderne sont insérés dans le texte sans que l’on saisisse le lien avec l’histoire quoi qu’en dise le quatrième de couverture des éditions Pocket… Bref une grande déception surtout quand on a découvert l’auteur à travers « le Huit », son roman suivant, qui lui est formidable dans l’écriture, le suspense, l’histoire…
Nicole VOUGNY

mardi 23 septembre 2008

L'Affaire Toutankhamon de Christian Jacq

L’Affaire Toutankhamon nous raconte la vie de Howard Carter et du vicomte Porchester, futur Lord Carnavon, deux hommes au destin exceptionnel puisque leur collaboration va aboutir à la découverte de la seule tombe inviolée de la Vallée des Rois, celle de Toutankhamon. Ce récit romancé nous permet de découvrir la manière dont les fouilles étaient conduites à la fin du XIXe/début du XXe siècle, et introduit une touche de « spiritisme » dans une épopée de longue haleine marquée notamment par des difficultés politiques. J’ai par exemple été étonnée d’apprendre que les fouilles étaient non seulement financées mais également parfois réalisées par des personnes n’ayant aucune formation et dont le seul but était de trouver des richesses qu’ils pouvaient ensuite en partie conserver à titre de dédommagement pour les dépenses engagées. J’ai également appris que la tombe de Toutankhamon était une véritable obsession pour Carter, qui l’a recherchée pendant de nombreuses années avant de réussir à la localiser. En tous les cas, ce livre est extrêmement intéressant, se lit et se présente sous la forme d’un roman tout en respectant les faits et la vérité historique et permet de mieux comprendre la fascination exercée par l’Égypte. Il met aussi en évidence les nombreuses tracasseries administratives et la versatilité des politiciens et autres hommes de pouvoir, qui critiquent d’abord Carter et son entreprise, avant de le porter aux nues, pour enfin le désavouer… Bref, à conseiller pour ceux qui aiment l’égyptologie ou souhaitent en savoir un peu plus sur Toutankhamon ou sur un égyptologue hors pair, Howard Carter.
Anne ALBERT

jeudi 18 septembre 2008

La fraternité de la rose de David Morrell

Virginie : Andrew Sage, un magnat du pétrole et conseiller du Président des Etats-Unis en matière d’énergie meurt dans l’explosion de sa propriété alors qu’il s’apprêtait à négocier des contrats avantageux avec certains pays arabes en contrepartie d’une diminution du soutien américain à Israël. Derrière cet attentat, un homme de l’ombre, Saul Grisman, nom de code « Romulus »,agissant en secret aux ordres d’un certain Eliot, l’un des cadres majeurs de la CIA. Bangkok : un agent de la CIA, Chris Kilmoonie, nom de code « Remus », viole la sacro sainte règle des sanctuaires « Abélard », lieux de repos pour agents secrets de tous bords, véritable non-man’s land où les conflits sont mis de côté, en tuant le colonel Malenov, un agent du KGB réputé pour ses actes de Barbarie. Désormais, pour tous les services d’espionnage du monde, Chris devient un paria, un homme à abattre. Or Saul et Chris sont liés. Orphelins dès le plus jeune âge et confiés aux bons soins de l’Académie pour garçons de Franklin. Bien que sans lien de parenté, les deux enfants se sont trouvés et ont grandi ensemble, unis comme des frères. Remarqués pour leur capacité par Eliot, qu’ils considèrent comme aussi leur père adoptif et leur maître, ils sont devenus au fil du temps de véritables machines à tuer pour la CIA. Mais aujourd’hui, ce sont eux les proies face à un prédateur qu’ils n’auraient pu imaginer, leur père adoptif Eliot. David Morrell arrive avec ce roman à nous plonger au cœur d’une extraordinaire histoire d’espionnage. Dès le prologue, on est subjugué par l’ingéniosité de l’auteur qui nous relate d’une manière si réaliste et convaincante la création des sanctuaires « Abélard » qu’on pourrait y croire vraiment. Le rythme d'enfer nous balance, à coups de rebondissements multiples, entre les destins croisés des deux « frères » jusqu’à qu’ils se retrouvent pour assumer leur vengeance. On regrettera toutefois la fin, un peu trop rocambolesque pour être crédible… N’est quand même pas Ludlum qui veut !
Pierre LUCAS

mercredi 17 septembre 2008

Un mariage d'amour de Françoise Bourdin

Victor Cazals, complètement déboussolé et anéanti, décide finalement de s’installer aux Roques, la grande demeure familiale qui est restée inhabitée depuis une trentaine d’années qu’il vient de racheter à son père (Martial). En effet, il souhaite à tout prix s’isoler afin de tenter d’oublier Laura, sa femme, qu’il aime encore et qui l’a brutalement quitté pour son demi-frère Nils. Jusqu’à présent, ce dernier était le protégé de la famille, mais suite à sa trahison, il est devenu du jour au lendemain le paria : il est rejeté autant par son père qui pourtant l’adorait, que par sa mère adoptive (Blanche) qui l’avait accepté et cajolé, même s’il est le fruit d’une infidélité du père. Quant à Maxime, le frère aîné de Victor, il épaule celui-ci de tout son cœur pour lui apporter du réconfort et soutien dans cette terrible épreuve émotionnelle et sentimentale qui l’accable.
Seulement, vivre dans le domaine des Roques ne sera pas de tout repos. Mise à part l’importante rénovation du lieu qui occupe plutôt bien ses esprits, Victor va malheureusement découvrir des éléments bien inquiétants qui laissent suggérer qu’un événement terrifiant y était survenu ; mais de quoi s’agit-il exactement ? Victor ignore encore qu’un effroyable secret a été dissimulé ici-même, et si jamais il réussissait à le trouver, pire encore s’il le faisait ressurgir du passé, une tragédie pourrait secouer chaque membre de sa famille. J’ai adoré ce roman de Françoise Bourdin avec cette affaire de secret de famille qui maintient un véritable suspense tout au long de la lecture. L’intrigue est vraiment captivante et il devient très difficile de lâcher le livre tant qu’on ne l’a pas parcouru jusqu’au dénouement. Effectivement, l’histoire est passionnante, on est pressé de découvrir et impatient de comprendre quel mystère a pu se murer derrière cette ancienne bâtisse « Les Roques » tellement cela attise notre curiosité. Qu’est-il arrivé trente années plus tôt ? Par ailleurs, j’ai bien apprécié la manière dont l’auteure a pris soin de brosser cet éventail de portraits, aussi intéressants les uns que les autres. Chaque personnage possède une personnalité propre, comme par exemple Martial et sa fermeté, Nils et sa fragilité, Blanche et sa soumission ou résignation, ou encore l’adorable Victor, homme de valeur et héros du roman à qui le lecteur s’identifie et s’attache tout particulièrement. C’est la première fois que je lis Françoise Bourdin et je suis totalement conquise, je ne la connaissais que de nom, et « un mariage d’amour » m’a fait passer un moment délicieux. De plus, la façon dont cette auteure écrit me fait rappeler vaguement un de ses confrères qui s’exprime dans le même genre de chroniques, je cite Douglas Kennedy, que j’aime beaucoup et qui a l’art de décrire avec énormément d’aise et de talent la passion humaine.
Ngan Dai BUI

lundi 15 septembre 2008

L'ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon

Barcelone 1945. Daniel Sempere, le narrateur alors âgé de onze ans, est emmené par son père, un librairie, dans un lieu absolument insolite, une vraie caverne d’Ali Baba réservée à quelques initiés où sont enfermés des milliers de livres. Là il adopte un livre « L’Ombre du Vent » de Julian Carax et c’est la révélation, le Livre que Daniel attendait. Daniel se prend de passion pour le livre mais aussi pour son mystérieux auteur. Il cherche coûte que coûte à savoir qui il est. Seulement il ouvre les portes du passé et s’approche de secrets bien enfouis qu’il mettra dix ans à déterrer. Ce roman très fascinant a le don de vous immerger dans la Barcelone de l’après-guerre, celle où les fascistes et les anarchistes se disputent le pouvoir et où les habitants espèrent des jours meilleurs. La ville est omniprésente, personnage à part entière du roman que l’on découvre fasciné à travers ses rues et ses quartiers. Aux côtés de Daniel, le lecteur mène l’enquête. Au moment où il croit tenir une piste sérieuse, Carlos Ruiz Zafon s’arrange pour la brouiller. Qui est donc ce mystérieux homme au visage ravagé, tout droit sorti du roman de Julian Carax ? Serait-ce le Diable ? Les personnages hauts en couleur sont attachants et plein de complexité : le lecteur ressent les premiers émois de Daniel pour la belle mais distante Clara et découvre un allié inattendu en la personne de Fermin Romero de Torres, un baroudeur au cœur d’or mais au passé trouble, poursuivi par l’effroyable inspecteur Fumero. Ce qui fait également sa forcé c’est que l’auteur a placé le livre au centre de son roman : on y découvre un libraire de livres anciens, une secrétaire de maison d’édition, un vieil et énigmatique bibliothécaire, gardien du Cimetière des Livres Oubliés, mais c’est avant tout l’histoire d’un livre et de son auteur, un livre qu’il faut préserver. Et le lecteur de s’imaginer lui aussi dans ce Cimetière des Livres Oubliés à se demander quel livre il adopterait. Un récit magnifique qui mêle à la fois l’amour, l’aventure, les mensonges, les trahisons, les histoires tragiques qui s’imbriquent les unes dans les autres pour former la trame du récit. Un livre à lire absolument. Delphine LE PERF

jeudi 11 septembre 2008

Fais-moi confiance de James Hadley Chase

DAWSON dirige depuis quatre ans les bureaux de Rome du New York Western Telegram qui appartient à Sherwin CHALMERS, multimillionnaire des medias. Ce dernier demande au premier de prendre en charge sa fille Helen qui arrive à Rome pour entreprendre des études d'architecture. C'est avec crainte révérencielle qu'il s'acquitte de sa tâche, Helen parvient à dégeler DAWSON et réussit même à l'inviter à Sorrente où elle loue une villa. Notre journaliste l'y retrouve mais trépassée, dès lors il tente d'éviter les soupçons et est chargé de mener l'enquête par le père de la défunte. L'investigation privée révèle les relations troubles de la jeune fille et le chantage qu'elle exerçait sur la dernière femme de son père. DAWSON lui-même n'y échappe pas et met tout en oeuvre pour se dégager du lacs. JH CHASE impose un rythme vif, alerte où l'action ne manque pas. Femmes fatales et gros bras s'entrecroisent et se manipulent. Les dialogues, sans doute trop nombreux, marquent la cadence nerveuse. Si l'on est bon lecteur, on peut se laisser bercer sans trop se poser de questions. Si l'on est plus exigeant tout cela semble un peu facile, les coïncidences sourient trop au héros qui se voit la tâche facilitée par des intervenants pas très madrés. Est- ce vraiment réaliste? Un plumitif qui doit se muscler uniquement le bras droit au moment où il lève le coude pour s'abreuver de whisky parvient à terrasser un mafiosi, hum! A la fin, la vérité est manifestée et l'argent préserve la vie privée des fortunés. Merci aux deus-ex-machina. Gwenael CONAN

mardi 9 septembre 2008

La dentellière de Pascal Lainé

Pomme est petite fille du nord de la France, « issue » d’une mère serveuse dans un bar qui montait dans la chambre du haut toutes les fois qu’un Monsieur lui demandait et d’un père qui a mis les bouts quand Pomme était encore enfant. Nous les retrouvons habitant un petit appartement, un deux pièces dans la banlieue parisienne. Tandis que sa mère est désormais crémière, Pomme qui a maintenant dix-huit ans et travaille dans un salon de coiffure va se lier d’amitié avec Marylène, sa collègue de travail âgée d’ une trentaine d’années. Cette dernière, après avoir rompu avec son amant, un homme d’une cinquantaine d’années propose à Pomme d’aller en vacances à Cabourg. Une fois sur place, Marylène rencontre des gens d’un certain milieu et se met à ignorer Pomme. Pomme, qui se retrouve donc seule, va rencontrer Aimery de Béligné, parisien en villégiature et vivre une histoire d’amour. Ce roman est l’histoire banale d’une fille et de sa mère que l’auteur nous fait vivre avec des mots simples, comme leurs vies et leurs histoires. Boulot, maison, dodo, vacances, petite histoire d’amour, une vie monotone mais tellement authentique, voila pourquoi ce livre m’a plu car il relate des pages de vies de tous les jours que de nombreux êtres humains vivent de par le monde. Pomme, une fille pas trop belle, mais qui à le droit de connaître la beauté des sentiments, même si le prix à payer est lourd. Marylène toujours à la recherche d’amants plutôt BCBG et qui vît surtout pour elle-même. La mère de Pomme, qui se laisse toujours porter par les événements routiniers du quotidien. D’autres personnages apportent également une petite touche pittoresque à ce livre. Cette histoire est touchante car chacun y retrouvera un peu de lui-même.
Edouard RODRIGUEZ

lundi 8 septembre 2008

La Déesse hippopotame de Elizabeth Peters

Cette nouvelle aventure de la famille Emerson se passe en Egypte en 1900. Elle constitue la suite des péripéties racontées sous forme de journal par Amélia Peabody, passionnée d’Egypte et mariée à un célèbre égyptologue, Radcliffe Emerson, qui repartent en Egypte pour une saison de fouilles et découvrent cette fois une tombe inviolée. Mais, comme d’habitude, rien ne se passe comme prévu et des pilleurs de tombes essaient de leur mettre des bâtons dans les roues. Principal obstacle à leurs plans machiavéliques : Amélia Peabody qui, sans fausse modestie, nous expose ses déductions, sans oublier de prendre soin de sa petite famille pour le moins originale… Les romans d’Elizabeth Peters sont tous écrits dans la même veine, sous la forme d’un journal. Les héros en sont un couple d’Anglais qui passent leurs hivers en Egypte et tentent de protéger le patrimoine culturel de ce pays à la fin du XIXe, début du XXe siècle, alors que les objets égyptiens sont très recherchés par les collectionneurs européens et que les marchés parallèles permettant de se procurer ce genre d’objets sont en plein essor. Les Emerson ont donc de nombreux ennemis, mais la plupart des histoires se finissent bien, et les gentils l’emportent généralement sur les méchants. Même si la trame de l’histoire n’est pas, avouons-le, très originale ou surprenante, je dois dire que le choix du style narratif et surtout le sens de l’humour pince-sans-rire de l’auteur de ces journaux, Amélia, m’ont séduite dès la première histoire, et je ne m’en lasse pas. Comme tous ses autres ouvrages, j’ai beaucoup apprécié La Déesse hippopotame, qui est une lecture idéale pour se changer les idées, légère et rapide à lire mais en même temps intéressante et reposant sur des recherches sérieuses concernant l’ancienne Egypte. Seul bémol : il vaut mieux découvrir ces livres dans l’ordre dans lequel ils ont été écrits, puisque l’histoire des personnages évolue. Or, cet ordre n’est pas facile à retrouver car il n’est pas identique à celui présenté en début d’ouvrage, dans la liste des parutions… Pour une fois, ce volume contient, en introduction, un bref historique de la vie et carrière d’Amélia, donnant ainsi quelques indications précieuses sur l’ordre à suivre. Si, comme moi, vous tombez sous le charme de cette famille et de cet écrivain, il serait dommage de ne pas suivre l’ordre chronologique de leurs aventures. Anne ALBERT

mercredi 3 septembre 2008

Je vous écris de Hisashi Inoué

Une jeune fille devenue la maîtresse de son patron, attend qu'il quitte femme et enfant ; une jeune mariée dont l'époux travaille à l'étranger découvre que sa voisine est séquestrée et maltraitée par sa fille ; une employée de bureau recherche un correspondant qui lui servirait de guide lors d'un voyage à Hokkaïdo; un sans domicile fixe mutique mais dessinateur de génie disparait d'un centre d'hébergement ; un homme écrit à son amour de jeunesse, aujourd'hui trompée par un mari dont elle refuse de divorcer; un auteur est contacté par une admiratrice qui souhaite connaître son avis sur une de ses œuvres... Voilà quelques uns des personnages que l'on croise au fil des chapitres qui composent ce roman, comme autant de nouvelles sans rapport entre elles... jusqu'aux dernières pages, où les destins des protagonistes se rejoignent dans un dénouement surprenant. Ce roman est étonnant à plus d'un titre. Tout d'abord, les chapitres ne semblent avoir aucun lien entre eux : sans l'épilogue, qui réunit tous les personnages lors d'une prise d'otages, ils tiendraient davantage de nouvelles indépendantes, mais néanmoins passionnantes. Ensuite, il n'est composé que de lettres, actes administratifs, articles de journaux, extraits de livres... Si ce procédé peut déconcerter de prime abord, il s'avère redoutable car il créé une distanciation, un style froid hors de tout parti pris, mettant en relief l'ironie souvent cruelle des situations, et permettant à l'auteur de manipuler le lecteur, chaque chapitre offrant un dénouement totalement inattendu. Et si la conclusion parait un peu forcée, elle donne au roman une forme de boucle non dénuée d'intérêt. Ce livre m'a beaucoup intéressée par sa forme et son fond. Une fois habituée au style épistolaire, je me suis laissée prendre au jeu. La neutralité de l'auteur tranche avec l'attachement que l'on ressent pour certains personnages, tous au centre de destins tragiques, qu'ils en soient les victimes ou les acteurs. Les déceptions amoureuses, la folie, la mort sont autant de thèmes récurrents qui créent une atmosphère assez lourde, néanmoins teintée d'humour noir et d'une impitoyable ironie. Mais j'ai surtout été bluffée par la chute des chapitres : j'ai été "baladée" de bout en bout par l'auteur, qui se joue de son lecteur comme de ses personnages, de façon machiavélique, sans que l'on voit rien venir ! Un regret, cependant : la suppression de deux des chapitres japonais, trop difficiles à traduire... Dommage d'avoir dû amputer ce roman enthousiasmant.
Fanny LOMBARD

lundi 1 septembre 2008

Total Kheops de Jean-Claude Izzo

Fabio Montale, flic marseillais, désabusé, sorti des quartiers pauvres de la ville et paumé en amour, enquête sur l’assassinat par ses collègues d’un de ses copains d’enfance ainsi que la disparition d’une amie arabe, Leïla, qui apparaît violée et tuée sauvagement quelques jours plus tard.
Montale, qui s’occupe du maintien de l’ordre dans les quartiers nord de Marseille, nous raconte son enfance et sa jeunesse parmi les émigrés arabes, italiens, espagnols, arméniens…Il décrit les quartiers nord d’une façon plutôt noirâtre, rien que délinquance, drogue, alcool et prostitution. En se faisant le narrateur de ses souvenirs, il nous fait découvrir les personnages de l’histoire et il passe en revue tous les acteurs de la pègre marseillaise : les grands mafiosi, les dealers, les bandits, les proxénètes. Il nous parle souvent de gastronomie, il nous décrit ses recettes favorites. Il n’est pas rare de trouver ce type de flic gastronome dans les romans noir, qui en préparant leurs repas nous font frétiller les papilles au rythme de jazz. Au fil de l’enquête, Montale se rend compte qu’il est mêlé à une affaire qui se corse de plus en plus et qui met en scène de très gros poissons, ce qui va mettre en danger même sa propre intégrité. Le racisme est très présent dans ce roman, mais critiqué et sanctionné par l’écrivain. Il s’agit d’un racisme violent, comme Marseille, elle-même. Total Khéops, chante le groupe de rap marseillais IAM, un « bourbier immense » et Montale est bien au centre, afin d’éclaircir les meurtres de ses amis. Jean-Claude Izzo a un style très particulier. Il nous fait passer des faits réels directement aux souvenirs sans nous avertir, ce qui dévient parfois un peu difficile à suivre mais reste néanmoins un moment de lecture exceptionnel, avec des descriptions assez particulières comme quand il parle de Marseille et nous dit : « Marseille n’est pas une ville pour touristes. Il n’y a rien à voir. Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage ». C’est la passion qui ressort de ces mots, une passion qui semble sortie directement de la tragédie grecque !! Total Khéops est le premier volet d’une trilogie que Jean-Claude Izzo a dédié à Marseille, sa ville natale, dont les deuxième et troisième épisodes sont Chourmo et Solea.
Marie LEVEZIEL

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