mercredi 19 octobre 2011

Histoire d'une vie d'Aharon Appelfeld


Aharon Appelfeld a 7 ans au début de la deuxième guerre mondiale. Après le ghetto, la longue marche vers la déportation, puis le camp de concentration d’où il s’évade seul, il passera deux ans caché dans les forêts d’Ukraine. Après un long chemin et de multiples rencontres, il débarquera en Palestine ;
« Histoire d’une vie » commence par les souvenirs de sa petite enfance, avec ses grands-parents dans les montagnes de Carpates.. Le récit se fait au présent, les images sont étonnamment claires et précises, le chemin vers la synagogue dans les pas de son grand-père, les paroles de sa mère ou son émerveillement devant un panier de fraises apporté par son père.
Avec la guerre un gouffre s’ouvre sur 6 années d’errance : plus les souvenirs sont durs et insoutenables, plus ils restent enfouis au fond de sa mémoire, refaisant surface par le hasard d’une odeur, d’une voix ou d’un visage, comme un cauchemar irréel qui aurait laissé une profonde cicatrice : « une longue nuit dont je me suis réveillé différent ».
On ne sait rien des circonstances de la mort de sa mère, ni de celle de son père qui l’a accompagné un temps sur les routes de déportation. On connaît seulement son effarement de se retrouver seul. On vit avec ce petit garçon dans les forêts d’Ukraine, en survie, aux aguets, apeuré mais aussi tellement accroché à la vie, si adulte déjà, ne faisant confiance à personne, dans le silence et la solitude, attendant la fin de la guerre où c’est certain il retrouvera ses parents.
C’est un livre de souvenirs qui raconte l’oubli, le brouillard qui s’abat sur des images impossibles à rapporter dans le monde des vivants. Les premières années en Israël, il erre comme un somnambule, dans un « sommeil amnésique »  sur cette terre de conquérants, de guerriers qui ne peuvent comprendre ni entendre de tels récits.
La langue est un autre sujet de déchirement : Le yiddich de son grand-père est la langue d’un monde disparu ; l’allemand, sa langue maternelle qui lui vient si naturellement, la langue de ses parents disparus, est aussi la langue de ses bourreaux.. En Israël, c’est avec effort et hostilité qu’il apprendra l’hébreu.
« Histoire d’une vie » se lit lentement, chapitre par chapitre, avec respect et attention, avec admiration pour cet enfant, qui malgré toutes ces années terribles, seul ou entouré de chacals, est devenu un homme sans haine, débordant d’humanité et à la recherche « d’une forme de sens ». Cette lecture m’a donné envie de retrouver Aharon Appelfeld dans d’autres récits et je sais que je relirai encore « Histoire d’une vie », peut-être encore plus lentement, tant ce qui apparaît comme sa perception de la vie nous donne une leçon d’humanité.


Viviane BERGER

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